Amsterdam: La dernière Foncedée

Les Chroniques de la Chronic

Tuesday, March 28, 2006

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 7)


Fumer c’est un peu comme prendre une crème brûlée après un repas riche en calories. On sait qu’il ne faudrait pas mais la gourmandise est une force qui ne se contrôle pas.

J+7 – Un seul joint en une semaine. Juste après une fondue savoyarde riche en vin blanc, il était difficile de dire non. Je me rappelle l’école primaire lors de la remise des bulletins scolaires. Les cancres se faisaient réprimander pour n’avoir rien foutu, et ceux qui n’était pas particulièrement bons mais qui travaillaient avec acharnement se faisaient consoler par les professeurs qui nous répétaient ans cesse que nul importe le résultat, le progrès de chacun était la chose la plus importante. Je regrette assez fortement le fait que j’ai succombé à la tentation en si peu de temps mais je suis fier de moi car je n’ai fumé qu’une seule fois en une semaine alors que nous habitons dans la banlieue de Paris et qu’il est assez facile de s’en procurer. Le progrès est visible. Je fumais 5 à 6 joints par jour avant Amsterdam et je viens de passer à un seul joint en une semaine.

Cette instant de faiblesse me rappelle un épisode assez récent de ma vie. A la fin de l’année dernière mon docteur m’a conseillé d’essayer un régime très restreint afin de purger mon corps des toxines nocives au bon fonctionnement de mon corps. Le régime de désintoxication. Au régime : Légumes et grains. Interdit : L’alcool, le chocolat, le sel, le sucre, le pain, les pates, les épices, les produits laitiers, le café, la viande, le poisson. Autant dire qu’il est vivement déconseillé d’entreprendre un tel régime en France. Celui-ci se passait donc à Los Angeles.

Le premier jour je trouvais presque ça marrant sauf que la veille on avait fait un plein de fromages et d’ingrédients tous plus ou moins interdits pour ce régime. La douzaine de boites de gâteaux importés de France par ma mère on été placé à l’écart afin de ne pas succomber à la tentation. Je me suis alors découvert un côté masochiste de ma personnalité que je n’avais jamais entrevu auparavant. En effet, les gâteaux étaient visibles à l’ouverture du placard et à chaque fois que je voulais manger une délicieuse boite de petit pois verts, j’apercevais ce qui m’attendais à la fin de cette croisade. C’était un peu comme la récompense de fin de régime que j’admirais tous les jours afin de me motiver à aller jusqu’au bout de ce calvaire. Mais parfois, même quand il n’y avait rien à chercher dans ce placard, je l’ouvrais et je regardais fixement les boites de gâteaux qui n’attendait pourtant que à être manger. A la fin de la première journée, en voyant mon frigo rempli de couleurs naturelles, je me sentais soucieux. Après deux jours de ce régime de torture je n’étais déjà plus très gentil avec personne et je n’avais pas trop de force. Après trois jours je devenais obsédé par n’importe quoi qui ressemblait a de la nourriture. Marcher dans la rue devenait insupportable et même l’odeur du Mc Donald’s devenait alléchante. Je voulais tout manger et je n’avais le droit à rien. Je rêvais de buffets dignes des dernières pages d’Astérix et j’avais le droit de manger moins que qu’une actrice la veille d’une scène nue. Je ne cessais de parler du repas parfait que j’allais cuisiner à la fin du régime afin de bien ruiner deux semaines de reconditionnement.

Un soir, alors que le régime était presque terminé, une amie m’invita à manger un énorme couscous chez elle entouré du reste de la bande. J’y suis allé en sachant que je ne pourrais ni manger de mouton, ni de merguez, ni de poulet et même pas de grain de couscous car celui là n’était pas complet. Pendant que tout le monde laissait échapper des sons qui aurait pu être pris pour des bruits d’orgasme, je dégustais chaque cuillère de légumes avec beaucoup d’effort. Mais j’étais fier de moi, je n’avais pas succombé à la tentation et mon régime était bientôt fini.

Malheureusement, je n’étais pas sorti de l’auberge aussi facilement. Après le plat principal nous faisions une pause cigarette, toilettes, pètes quand tout un coup je vois apparaître sur la table une douzaine de pâtisseries d’une des meilleures boulangeries de Los Angeles. Après tant d’efforts à table et un joint qui m’a bien ré-ouvert l’appétit je décide de faire une petite exception en prenant une minuscule part de moelleux au chocolat.

Après cette part, mes mains et ma bouche se sont unifiées pour un soir afin de me pourrir mon régime. Du moelleux je passai à la tarte au citron, à la meringue, jusqu’à la tarte aux fruits rouges avant de repartir vers le moelleux. Autant dire que l’hôte était un peu aigrie que je n’ai touché qu’aux sucreries et pas à la viande mais une telle quantité de sucre après n’avoir rien manger de nocif auparavant rendait mon corps hyperactif. Je pouvais sentir le sucre couler dans mon sang et atteindre chaque organe avant de m’assommer complètement. Une crise de froid s’ensuivit et je rentrai chez moi assez rapidement. Depuis que j’avais été envoyé à l’hôpital vers l’âge de 8 ans pour avoir manger trop de sucreries (et non je ne fumais pas déjà à 8 ans) cela ne m’était jamais arriver mais je compris à quel point on apprécie plus les choses après en avoir été séparé pour quelque temps.

Si on ne baise pas pendant un certain temps il sera difficile de se contrôler la première fois afin de ne pas être trop rapide car la sensation est trop forte. Si on part en voyage on apprécie notre lit confortable et propre en revenant chez soi. Si on a pas mangé pendant toute une journée de randonnée et que l’on rentre chez soi, même l’eau aura de la saveur, si on fait de l’exercice et qu’on ne fume pas pendant un certain temps la première cigarette ou le premier joint sera beaucoup plus intense et beaucoup plus apprécié.



C’est ce qui s’est passé en ce soir de fondue. Il suffit d’un moment de faiblesse, un moment d’inadvertance. Il suffit de quelques verres de mousseux, de bières, quelques verres de pastis et du rouge sur du blanc sur du rouge et il devient tout de suit plus difficile de dire non. Non aux conneries à faire, non aux filles moches qui en profitent, non pour conduire même si ce n’est pas loin et non au pète. Je n’hésite même pas un seul instant avant de dire oui. Je tend le bras et j’attrape ce joint destructeur sans même penser a ma nouvelle résolution. Je rigole, je vois floue, j’ai du mal à comprendre la conversation à laquelle j’ai pris part mais je suis bien entouré. Ceux qui n’ont pas manger de fondue ce soir-là veulent sortir faire la fête au milieu de paris alors que les autres se rendent compte petit à petit que la fondu était quand même très liquide et que ce n’était surement pas la proportion correcte de vin blanc; mais qu’est-ce que c’était bon. Moi je ne peux aller nulle part.

Alors qu’un de mes amis confond la bouteille d’alcool à brûler avec une bouteille d’eau et la porte à sa bouche sans s’inquiéter, le temps se fige et mes yeux se ferment petit à petit. Je ne veux surtout pas montrer que je ne vais pas bien car il y a un célibataire plutôt mignonne dans la salle. Je secoue donc la tête régulièrement et je souris afin de lui montrer mon intérêt pour elle mais il est beaucoup plus facile de faire semblant d’être défoncé que de faire semblant d’être sobre. La célibataire mignonne est devenue une denrée rare à 25 ans et il ne faudrait pas la laisser s’échapper.

J’entends des bruits de pas, des gens qui se disent au revoir, je devrais surement me lever mais le mélange alcool et pètes ne passe jamais très bien. J’entend la célibataire parler a son ex petit copain. Et merde ! C’est vrai qu’on oublie jamais son ex jusqu’au jour où on sort avec quelqu’un que l’on apprécie. Tant pis, je réessayerai une prochaine fois.

Je me réveille quelques heures plus tard, tout seul sur le canapé, endormi, et ce n’est pas très original. Je ne vais pas très bien mais je décide quand même que le meilleure idée est de rentrer chez moi. Aujourd’hui je n’ai pas pris le scooter, il n’y a donc aucun risque à prendre. Je ramasse mon poêlon à fondue afin de pouvoir en refaire une au plus vite chez moi, et je commence à errer dans les rues de Courbevoie. La distance à parcourir mets en général moins de 10 minutes, aujourd’hui il me faudra 25 minutes car il faut prendre en compte les deux pauses dégueuli.
Le lendemain au réveil, ma sœur me voit et me demande si j’ai fumé la veille. Je sui obligé d’avouer mon crime, j’ai honte.

Monday, March 13, 2006

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 6)


Retour à Paris. Retour à la réalité. J+3 – Cela fait maintenant 3 jours que je n’ai pas fumé et je n’ai pas encore eu l’envie de me rouler un spliff. Cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps et la guérison semble proche. Je crois que j’ai bel et bien réussi à me dégoûter moi-même de ce vice. Mais je n’ai pas réussi à abandonner la clope. Je suis humain, merde ! La clope permet un peu de compenser en maintenant un seul des ingrédients indispensable au roulage de pètes (bien que ce ne soit pas vrai partout dans le monde vu que les californiens roulent les leurs sans un gramme de tabac). Il est vrai que si l’on en abuse pas, l’herbe est sûrement moins nocive que le tabac pour nos pauvres corps. Et il ne faut pas brûler les étapes : un vice à la fois c’est déjà pas mal.

J’ai toujours cru que les réveils matinaux étaient compliqués parce que l’effet de la fumée, qui se propage dans mon sang et détruit malheureusement beaucoup des quelques neurones qui ont survécu à la torture infligée lors des dernières années, me laissait dans un état proche de la larve humaine. Mais je m’aperçois qu’il m’est naturellement difficile de résister à l’appel de l’oreiller qui tous les matins tente bien que mal de m’accorder quelques heures de plus de répit. Ceci est accentué lors des matins frais et sombres de l’hiver parisien.

Beaucoup de gens, que j’ai rencontrés lors de mes voyages, m’ont affirmé sans bien me connaître qu’il serait préférable que je change d’amis si je ne veux plus faire face à la tentation et au manque d’enthousiasme propre à la génération marijuana. Rouler un spliff correctement est un évènement qui se fête correctement en petit groupe. La confection est un travail d’équipe et chacun peut y apporter sa contribution : qui un bout de son paquet de clope pour le filtre - car tous les autres sont déjà déchirés de tous les côtés, qui une feuille qui ne s’est pas collée à toutes les autres dans le fond de la poche, qui un peu d’herbe pour ne pas se sentir complètement exclu de ce rite collectif… Ensuite il faut trouver quelqu’un qui est venu avec un briquet et qui ne l’a pas encore perdu. Les briquets des fumeurs s’envolent bizarrement sans jamais être retrouvés - comme les chaussettes qui disparaissent mystérieusement dans le sèche linge lorsqu’on prend enfin le temps de les laver.

Le briquet en main et le pète à la bouche, le rouleur a l’honneur d’allumer ce pète qui aura mis plus ou moins de temps à se créer selon la concentration et l’agilité du rouleur. La seconde personne qui s’autorisera à fumer dessus sera le fournisseur de beu de ce dernier joint si cette personne est différent du rouleur. Attention ! Ne jamais tendre la main avant que le pète ne vous soit directement proposé. Lorsque le spliff est de grande taille le fumeur s’autorisera souvent deux et trois lattes avant de le faire passer afin que tout le monde puisse en profiter mais lorsque le groupe est plus petit et que la taille du pliff reflète la taille du groupe chacun s’autorisera à fumer sa part en évaluant au mieux le partage équitable de ce dernier. Rires hystériques, regards hagards, discussions dénuées de tout sens, suivent. Si ce rituel est répété plus de deux fois dans la soirée, les effets changent alors et le silence, la lutte contre le sommeil et la faim prennent alors le dessus et l’aspect social du roulage de pètes se confond alors avec un manque d’imagination et de curiosité par rapport au monde qui nous entoure.

Les discussions des personnes qui nous entourent se transforment en bruits incompréhensibles auxquels on ne fait pas attention. Chaque mouvement nécessite beaucoup d’efforts et il est difficile de se confronter à quoique ce soit qui puisse nous sortir de notre état d’impuissance. A ce moment là, la nourriture est le seul objectif qui puisse réunir le groupe de fumeurs une nouvelle fois afin d’apporter une solution à ce problème. Si la récompense de l’effort qui sera demandé de la part de tous ne se boit pas ou ne se mange pas, il sera difficile de convaincre chaque membre du groupe que l’idée en question vaut l’effort requis.

Les éléments perturbateurs du groupe (les non fumeurs) se sentent alors exclus et tiennent toujours à le rappeler à des gens qui n’en ont souvent rien à foutre, puisqu’ils viennent de fumer. Il est donc difficile d’apprécier un joint pleinement en la présence d’éléments perturbateurs. D’autres obstacles peuvent alors se présenter au groupe de fumeurs, comme des parents qui rentrent plus tôt que prévu, des témoins de Jéhovah qui viennent tout simplement nous casser les couilles, ou le voisin qui en a marre d’être défoncé à cause de la fumée qui se propage dans le système de ventilation du building.

Les fumeurs ont réussi à s’instaurer des règles, des rites et des restrictions lorsqu’ils fument afin que tout se passe dans la tranquillité et que personne ne hausse la voix pour quelque raison que ce soit.

Voici quelques une des règles à ne jamais enfreindre:
- Ne jamais s’endormir sur un pète
- Ne pas passer le pète à n’importe qui.
- Observer combien de lattes sont fumées par le rouleur au début de la séance et essayer de ne pas fumer plus que les autres.
- Ne jamais critiquer la qualité de la beu si aucune contribution n’a été apporté lors de la confection.
- Ne pas demander à quelqu’un, qu’on ne connaît pas bien, de rouler un pète lorsqu’on en a pas sur soi. (il est préférable de rentrer chez soi sobre avec un nouvel ami que défoncé et ne jamais plus revoir la personne.)


Ensuite, la mission se transforme alors en un recherche acharnée d’un peu de nourriture. Pourquoi l’herbe n’est-elle pas encore prescrite pour tous les cas d’anorexie du monde ? Peu importe la quantité de nourriture ingurgitée avant de fumer, mon estomac se transforme en un gouffre sans fond après juste quelque lattes d’un pète.

Noël arrive bientôt, et il va bientôt falloir que j’affront la foule des grands magasins afin de trouver le cadeau parfait pour ma famille. Je ne sais pas si la fumette m’a rendu claustrophobe mais me retrouver au milieu de milliers de gens qui cherchent tous un cadeau à la dernière minute ne m’enchante pas vraiment. Il m’est difficile de me sentir à l’aise au milieu d’un club rempli à craquer, d’un file d’attente à Disneyland, ou d’une célébration sur les champs élysées pour la victoire de la coupe du monde en 98. La meilleure technique pour ne pas avoir à rester trop longtemps dans un magasin et de ne surtout pas y aller avec une femme sauf si le magasin ne vend que des jeux vidéos. Je vais donc y aller seul.

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 5)


Je me réveille tôt afin de me casser le plus vite possible de cette auberge et je ne prends même pas le temps de manger mon petit déjeuner, pourtant gratuit, avant de prendre mon sac et de m’enfuir au plus vite.

Le but du jeu étant d’être complètement dégoûté de l’herbe à la fin de ce voyage, je passe à un coffee-shop une dernière fois avant de prendre le train. Je commande un latté et un joint pré-roulé qui est vendu dans un tube en plastique transparent afin de pouvoir l’admirer. Il est si parfait qu’il aurait pu être utilisé pour une photographie de Bob Marley. Une fois sorti de son emballage - et contrairement aux jouets, un joint ne perd pas de sa valeur quand il est exposé à l’air libre – je contemple ce joint si bien roulé. Il devrait me fracasser juste ce qu’il faut pour que je puisse tout de même retrouver mon chemin jusqu’au compartiment et même jusqu’au bon siège et normalement, il devrait aussi me rendre malade dans le train ce qui sera parfait pour être bien dégoûté après ce week-end peu enrichissant. Je m’installe dans le fond du coffee-shop afin de savourer ce moment tranquillement et je recommence à « observer ». Je sors mon cahier et je me mets à écrire ces chroniques.

Tout en écrivant les premiers mots, je sors mon dernier pétard et je le regarde avec un sourire moqueur. Mes pensées divaguent mais c’est la dernière fois. Le reste sera plus cohérent. Mais d’autres questions surgissent alors que les premières bouffées du pétard atteignent déjà le cerveau. Peut-on regarder un coucher du soleil sur la plage sans vouloir rouler un pétard ? Est-il possible de rester toujours aussi calme et patient si je ne fume plus ? Comment vais-je pouvoir m’endormir le soir si je n’ai rien à faire. Comment dire non tout en ayant l’air de le penser vraiment quand on me tendra un joint ? Il ne me reste plus beaucoup de temps avant de le découvrir mais cela ne vaut-il pas redevenir un peu plus intéressant, ne plus se sentir isolé et arrêter de se renfermer sur soi-même ?

Si j’étais cohérent avec mes propos, je devrais aussi arrêter de boire de l’alcool que j’ai toujours considéré comme plus dangereux que la beu. Mais C’est impossible. Comment m’arrêter de boire du vin avec la diversité des fromages que l’on peut trouver en France. Ce serait un crime !

Je finis le joint de mon petit déjeuner hollandais, constitué essentiellement d’un café au lait et d’un pète. Il diffère du petit déjeuner français, un peu plus sobre, qui, lui, est constitué d’un expresso et d’une cigarette. Mais le concept reste le même : commencer la journée en s’injectant des substances néfastes à notre corps. C’est très européen car en Californie ils boivent du lait au soja et mangent des avocats. Chacun son truc. Je me concentre sur le dernier joint qui, comme chaque autre joint, se dresse fièrement entre mon index et mon doigt qui insulte. Je déguste chaque particule de la fumée qui s’engouffre dans mes poumons. Je regarde avec désarroi le cône diminuer de taille après chaque mouvement de mes lèvres. J’aspire comme si ma vie en dépendait et je m’effondre sur la banquette du coffee-shop afin d’apprécier pleinement la séance de relaxation qui est en cours. Je fume les dernières lattes de ce joint avec une certaine mélancolie et je prends conscience que, quoiqu’il arrive, ce joint restera gravé dans ma mémoire pendant très longtemps -ou très peu de temps si ma mémoire s’est encore endommagée au cours de ce voyage. Je regarde la serveuse qui n’est pas mal du tout et qui ne cesse de bouger partout bien qu’il n’y ait personne d’autre dans le café. Peut-être que je la trouve trop active parce que je suis particulièrement démuni de toute forme d’énergie et que je suis réduit à l’état de larve.

La musique est parfaite et pour une fois pas trop forte. C’est vraiment con de toute façon de foutre la musique à fond dans des endroits où les gens viennent pour se relaxer le cerveau et les muscles. C’est comme si mon acupuncteur ou mon chiropracteur jouaient du hardcore heavy metal dans leurs salles d’attente ou de la techno pendant leurs séances. Le truc trippant dans ce bar c’est qu’ils jouent de la musique un peu rock tout en passant des vidéos de Rap sur leurs écrans de télévision mais sans le son. La vidéo et la musique se combinent alors étrangement bien et les gangsters des vidéos se mettent à chanter du Bob Dylan sans en avoir conscience. J’ai bu plein d’eau pour essayer de me débarrasser de mon rhume qui a pourri mes deux derniers jours à Amsterdam. Le bon vieux remède de grand-mère. Je dois donc visiter les toilettes assez souvent et je commence à m’inquiéter sur l’efficacité de ma vessie à pouvoir contrôler les flux de mon corps jusqu’à la fin de ma vie.

Je crois que j’ai fumé un peu du carton sur ce dernier joint mais je voulais être sûr de le fumer jusqu’au bout. Quand on veut éviter de se prendre le carton on éteint parfois le joint dans le cendrier et on réalise alors qu’il y avait au moins une, si ce n’est deux, lattes qui restaient. On rallume alors le pète à moitié écrasé et souvent parfumé à la cendre et on essaye de s’injecter une dernière dose de fumée dans notre corps. Mais voilà, on imagine toujours qu’il en reste plus que ce qu’on ne croyait et au lieu de prendre une latte de plus comme il était établi, on arrive toujours à fumer un peu du filtre qui nous rappelle alors qu’il est inutile de continuer. Je me demande si la RATP utilise de l’encre non toxique pour le tickets de métros maintenant qu’ils ont compris que la texture et l’épaisseur de leurs tickets les rendaient parfait pour devenir plus tard un outil essential au roulage.

Maintenant c’est Radiohead qui joue dans le bar, une chanson de l’album « Amnesiac », un des meilleurs albums pour tripper. Je crois que sa musique aura accompagné beaucoup des moments « magiques » de ma vie. Je m’allume une clope, l’avant-dernière. Je ne parle pas autant des clopes car il n’y a rien de bien à dire sur les clopes. Quoiqu’on en dise, la clope à la fin du repas ne fait qu’enlever le bon goût du plat que l’on vient d’ingurgiter. Si quelqu’un allume une clope juste après un plat que j’ai cuisiné avec ferveur, je me demande si c’est pour faire passer le goût. C’est dégueulasse, ça pue, et ça coûte une fortune. Je me demande parfois pourquoi les gens fument une clope après avoir baisé. C’est comme si je m’allumais une clope après avoir passé la ligne d’arrivée à la fin d’un marathon. C’est surement pour rééquilibrer la balance du bien et du mal. La clope après le sexe laisse beaucoup à l’imagination : fume-t-elle parce que c’était si intense et si fusionnel qu’il faille fumer la clope festive des moments forts de notre vie, ou est-ce la clope des moments de stress car elle est énervée et frustrée parce que ce n’était pas génial ?

Il faut que je me bouge et que je reprenne un peu de confiance en moi après cette triste pensée. Je décide de repartir dans les ruelles d’Amsterdam avec mon énorme sac à dos et mon bonnet Péruvien qui prouvent à tout le monde que je suis bel et bien un touriste qui est venu là uniquement pour profiter de « la vente libre ». Je me dirige vers la gare tout en essayant de ne montrer à personne l’état dans lequel je suis. Il faut que je me remette dans le mode de vie parisien. Comme à mon premier soir à Amsterdam, je marche donc tête baissée, tout en ricanant bêtement et en évitant tout contact visuel avec les autres passants. La paranoïa est de retour.

J’achète un sandwich et une grande bouteille de soda afin d’apporter un peu d’aide à mes glandes salivaires : ma bouche est devenue très sèche depuis le dernier pétard. J’arrive à peine à parler à la vendeuse du supermarché à cause de la faiblesse des muscles de ma mâchoire. Je finis la bouteille et la moitié du sandwich avant même de rentrer dans mon compartiment.

La dernière fois que j’ai pris le train dans un état pareil, je me suis fait réveiller par un contrôleur qui m’a éjecté du train car je n’avais pas de billet. Je me sens plus tranquille cette fois-ci. Le retour vers Paris m’a semblé très rapide. J’ai dû m’endormir.

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 4)



S’arrêter de fumer c’est un peu comme percer un énorme bouton d’acné pendant la pénible période de la puberté. On veut se débarrasser de cette chose qui pourrit un peu la vie sans pour autant la rendre insupportable, mais on appréhende la douleur, on a peur des séquelles et on se demande surtout si cela est vraiment utile. Mais une fois qu’on l’a fait, on se sent quand même beaucoup mieux dans sa peau.

A mon réveil je suis dégoûté. La première découverte étant la perte d’un de mes petits sachets qui pourtant m’accompagne partout pendant ce périple. Il est si facile de perdre des choses lorsque l’on est défoncé. Un doute surgit alors : ais-je perdu le sachet de ‘White Widow" ou avons-nous tout fumé la veille au soir avant de nous coucher ? J’opte pour la seconde option car il m’est bizarrement plus facile de commencer ma journée avec l’idée que je suis vraiment un gros drogué que sur l’impression d’avoir jeté de l’argent par la fenêtre. Je me dirige alors vers le restaurant/bar où je dois faire face à la deuxième mauvaise surprise de la matinée. Il n’y a pas de croissants dans le buffet continental. C’est décidé, je donnerai une mauvaise note à cette auberge de jeunesse lorsqu’ils me demanderont de faire un commentaire sur le site Internet sur lequel j’ai réservé mes cinq nuits d’hôtel.
Après avoir longtemps ronchonné dans mon coin, j’engloutis quatre ou cinq expressos pour essayer de ressurgir un peu de mon état comateux et je décide de réveille Laurent afin qu’il profite un peu de son deuxième et dernier jour à Amsterdam. En regardant par la fenêtre, j’entraperçois la troisième mauvaise nouvelle de la journée. Il pleut ! Nous oublions donc les balades romantiques autours des canaux et nous nous dirigeons vers le Riijks Muséum (plus connu sous le nom du Rembrandt Muséum). Nous sommes peu opérationnels et chacun de nos gestes est méticuleusement calculé afin de ne pas faire trop d’effort. Quelque soit l’effort physique ou intellectuel que nous sommes amenés à faire, il nous demande beaucoup de concentration. Et c’est très dur, surtout que nous devons déjà nous concentrer afin de pouvoir ouvrir les yeux lorsque nous sortons à la lumière du jour.

Après un petit déjeuner constitué de corn flakes, d’herbe, de tartines et de hashish, il est difficile de faire semblant d’être en pleine forme. Il nous faut bien cinq minutes pour enlever les cadenas de nos vélos afin de les restituer aux gentils employés du magasin de location. Il faut tout d’abord trouver les clefs dans les poches remplies de divers papier : menus de coffee shops, papier toilette, papiers à rouler, publicités, tickets de caisse… Il faut ensuite trouver les serrures et trouver la clef qui lui correspond, ce qui dans ce matin brumeux semble plus difficile que la veille au milieu de la nuit. Il faut ensuite s’accroupir afin de faciliter le reste du processus et il faut ensuite étirer un peu nos muscles fatigués qui risquent de se froisser pendant les... trois cents mètres qui séparent l’auberge du magasin !

Nous sommes interrompus lors de ce processus par une Hollandaise quelque peu hystérique qui nous engueule car elle ne sait pas bien se garer. Elle nous reproche de ne pas l’avoir aidée pendant qu’elle faisait son créneau, qui a probablement duré aussi longtemps que le déverrouillage de nos cadenas. En temps normal, mon instinct de Parisien m’aurait poussé à lui gueuler dessus en Français avec des insultes bien de chez nous tout en lui postillonnant allégrement dessus mais là…la seule réaction de ma part a été un grand sourire silencieux qui l’a rendu folle de rage. C’est vrai que, sous l’influence de la fumette, le stress parait tellement inutile qu’il est difficile de comprendre les réactions des gens stressés. Malgré tout, cette poufiasse a quand même réussi à nous sortir ce notre état « détendu » et il va donc falloir faire une pause afin de refumer un peu avant d’entreprendre quoique ce soit.

Après avoir rendu les vélos sans le coupon de réservation que nous avions bien évidemment perdu, nous commençons notre marche vers le musée qui heureusement se situe très près de l’auberge. Je ressens une douleur dans ma gorge mais je ne m’inquiète pas car, restant optimiste, je me dis que cela provient très probablement de l’abus de pètes et de cigarettes. Mais ce mal de gorge ne m’empêche pas de savourer un petit joint roulé rapidement devant l’entrée du musée. Quelque chose me dit que Rembrandt aurait voulu que ses visiteurs admirent ses œuvres avec des yeux rouges et secs autrement, pourquoi aurait-il placé toutes ses œuvres dans un musée à Amsterdam ?

C’est alors qu’un évènement, propre aux foncedés du monde entier, surgit. Laurent se rend compte que son bus qui lui permettra de rejoindre Paris part deux heures plus tôt que ce qu’il pensait. D’habitude, on s’en aperçoit trop tard. Nous mangeons donc un déjeuner copieux en face du musée et, après des adieux déchirants devant la station du tramway, je me dirige à nouveau vers l’entrée du musée. J’espère y trouver un bar où je puisse déguster une bière comme au Heineken Muséum. Je m’approche la personne chargée de la sécurité afin de lui demander où je peux boire une bière tout en fumant. Elle semble quelque peu horripilée par ma question et je décide de m’éclipser afin de ne pas me faire plus d’ennemis dans la ville.



Le musée est magnifique et, heureusement, il y a des bancs et des chaises dans presque toutes les salles. Les opportunités de photos sont multiples et je me demande alors pourquoi les grandes œuvres du siècle ont le droit d’être photographiées mais les petits artistes des galeries d’art moderne refusent qu’on sorte l’appareil photo dans leurs magasins.

L’imagination divague tellement plus avec l’aide d’un petit joint. Les nuages prennent des formes de têtes de loup, de sorcières sur leurs balais et de moutons dans leur pâturage. Les étoiles forment des visages de monstres sortis tout droit d’un film de Rob Zombie, et les feuilles mortes semblent dessiner les contours de différent pays du monde entier. La fumette a toujours été une grande source d’inspiration. Elle m’a permis de créer mes propres personnages dans chacun des mes jeux vidéos pendant des heures… Elle m’a permis d’imaginer des plats culinaires tels que les spaghettis au Nutella et le sandwich aux rillettes et au Nutella - remarquez que le Nutella est un ingrédient essentiel dans mes créations dégustatrices… Elle m’a permis d’aider à soulager les problèmes de la pollution planétaire en recyclant mes déchets au maximum grâce à la transformation des tickets de métro en filtres et à celle des bouteilles de plastique en balance me permettant de peser mon herbe lorsque je devais la partager.

Je ressors du musée avec une seule idée en tête, si on omet l’idée de baiser qui est omniprésente chez les hommes et qui ne compte donc pas. Je veux m’allonger sur mon lit car je sens le mal de gorge qui se transforme peu à peu en l’annonce d’un rhume carabiné qu’il va devoir falloir supporter tout en continuant de fumer.

Je rentre à l’hôtel afin de me reposer et je découvre alors qu’ils ont choisi ce jour précis pour entamer des travaux…juste à côté de ma chambre. Comme ils se sentent un peu coupable des bruits de perceuses, de marteaux et de ponceuses, ils nous proposent royalement de nous vendre leurs sandwichs dégueulasses réchauffés au micro onde à moitié prix. Je pense que si je n’avais pas payé toutes mes nuits dès mon arrivée, je serais parti sur-le-champ. Le bruit étant insupportable, je décide de refaire une petite balade dans le parc qui fut une grande source d’inspiration pendant mon deuxième jour à Amsterdam. Je me pose sur un banc afin de continuer à observer la population d’Amsterdam mais le froid et mon manque d’énergie me poussent à retourner à l’auberge afin d’essayer de guérir un peu.

Voilà un autre avantage de l’abus de fumette : il est possible de s’endormir n’importe où dans n’importe quelle condition. Les bruits de rénovation me bercent alors et je sombre dans un sommeil profond dans mon dortoir vide. Comme nous explique Freud dans son interprétation des rêves, le sommeil n’est pas forcément interrompu pas un bruit mais par un changement de l’environnement qui nous entoure. Le silence, indiquant la fin de journée de ses travailleurs acharnés, me sort alors du sommeil dans lequel je m’étais immergé pendant toute l’après midi et je retourne vers le bar afin de déguster ma première bière de la journée. Je décide de voir s’il n’y a pas un moyen de changer mon billet de train afin de rentrer plus tôt que prévu mais je m’aperçois vite que mon billet « non échangeable et non remboursable » n’est effectivement ni échangeable ni remboursable. Je retourne alors me coucher avec une leur d’espoir. Ils auront sûrement des croissants demain matin !

Aujourd’hui je me réveille avec la ferme intention de faire le « Smoking Boat Tour » organisée par le « Chicago Comedy Club ». C’est un tour en bateau, des fameux canaux de Amsterdam, qui diffère des autres tours pas la simple raison qu’il est autorisé d’y fumer pendant la visite. Je suis encore plus malade mais je veux profiter de mon dernier jour à Amsterdam afin d’en garder un bon souvenir.

Je pars assez tôt de l’hôtel, ce qui dans le monde des foncedés veut dire dix heures du matin, afin d’être sûr qu’il reste de la place sur leur bateau. En arrivant, je découvre que personne ne s’est encore inscrit alors qu’il fait beau et que ce serait franchement con de ne pas en profiter. Je repars du club satisfait de pouvoir enfin y participer mais inquiet que cela ne se produise pas car ils demandent qu’il y ait au moins trois participants afin de partir sur cette aventure.

En attendant l’heure du départ en bateau je me balade un peu dans les rues d’Amsterdam qui me sont maintenant quelque peu familières et je m’arrête devant le "Sex Muséum" près de la gare centrale. Je regarde autour de moi avant de rentrer avec plus de gêne que si je rentrais dans un sex-shop. J’essaye de montrer ma carte des musées afin de rentrer gratuitement mais je m’aperçois vite que les dirigeants de cet établissement ne considère pas le sexe comme de l’art. Je pourrais entamer un long débat sur ce sujet avec le Hollandais mal rasé la clope à la bouche qui travaille au guichet mais, vu le prix dérisoire du ticket, je décide de garder mes pensées philosophiques sur l’art du sexe pour quelqu’un qui comprendrait ce que je dis. C’est relativement dégueulasse à l’intérieur mais comme ils ont appelé ça un musée, tout le monde regarde du porno très vulgaire comme si c’était du Picasso. Il y a des salles qui font rire. Par exemple, celles où il y a des automates ressemblant à ceux des trains fantômes. Sauf qu’ici, ils n’essayent pas de vous faire peur mais ouvrent leurs grandes parkas d’exhibitionnistes. Je reste figé devant une partie de l’exposition qui est interactive. Il y a cinq lumières bleues qui clignotent au-dessus de cinq différent boutons qui contrôlent la machine. Je reste perplexe lorsque je lis les instructions : « appuyez sur le bouton rouge de votre choix ». Je cherche ce bouton rouge pendant quelques minutes mais vu qu’il me paraît clair que les boutons bleus ont dû faire fuir les boutons rouges à un moment de leur existence, je me décide à sortir de ce musée qui tente apparemment de rendre fou ses visiteurs.


Je reviens vers le club pour embarquer à bord de cette croisière, un peu frustré après avoir vu tant de femmes dénudées, mais surtout encore très fracassé. C’est à ça que sert la longue séance de préroulage de pètes du petit déjeuner.

J’attends patiemment dans l’entrée du club, espérant de nouveaux arrivants car la liste ne comporte toujours qu’un nom, le mien. J’écoute les engueulades entre le patron et ses employés. Les commandant de bord arrive enfin. Il se dirige vers le cahier où j’ai proprement écrit mon nom et marque une pause. Il me regarde, il regarde le cahier, me regarde, regarde le cahier, me regarde et pousse un petit soupir. Il vient alors me voir et m’annonce la bonne nouvelle. Il déménage bientôt et comme c’est la dernière fois qu’il a la chance de faire visiter Amsterdam en tant que capitaine de bord, il m’informe que malgré le manque de passagers la traversée s’effectuera. Ma réponse est simple : je souris bêtement.

Nous marchons vers le bateau qui aurait sûrement sa place dans un musée ou un magasin d’antiquités et nous levons les amarres. Une fois de plus je me cultive tout en me défonçant la tête. Voir Amsterdam depuis un bateau c’est génial. J’ai la chance d’assister à la récupération de vélos ensevelis sous l’eau grâce à un bateau-grue qui transporte une montagne de carcasses de vélos rouillés abandonnés dans les canaux. J’apprends que beaucoup des immeubles de Amsterdam ont des fenêtres qui deviennent de plus en plus petites à chaque étage afin de créer une illusion d’optique rendant l’immeuble beaucoup plus grand lorsque l’on regarde en contre-plongée depuis la porte d’entrée. Je découvre la plus petite maison d’Amsterdam qui a l’air assez grande pour une famille de lilliputiens et je reste ahuri devant des immeubles qui ressemblent à un complexe de Tours de Pise.

Je déguste l’herbe que mon capitaine de bord fait pousser lui-même chez lui. Comme cette balade ne coûte qu’une donation, le capitaine essaye de me montrer un maximum afin que je sois généreux. Et comme ils se font attaquer pour compétition déloyale par les autres compagnies qui font visiter les canaux, je dois dire qu’on est juste potes si quelqu’un me demande quoique ce soit.

Comme c’est sa dernière croisière, lui aussi veut prendre des photos et je deviens capitaine pour quelques instants. Mais la croisière tourne au cauchemar lorsque l’envie de pisser arrive. J’ai promis de ne plus pisser derrière les arbustes mais je n’ai jamais parlé de ne pas me soulager sous les ponts.

En revenant sur la terre ferme, le capitaine me donne un coupon de réduction pour aller voir le spectacle comique du soir. J’en profite donc et je retourne à mon auberge afin de me reposer un peu avant de rire.

Le spectacle est en Anglais - contrairement au « one man show » en turque que je suis allé voir à Istanbul - et je profite au maximum de mes derniers instants à Amsterdam, tout en me mouchant régulièrement.

Je suis satisfait et prêt à retourner chez moi.

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 3)


Des fois on aimerait, on voudrait et on pourrait… mais il est tellement facile de se laisser bercer par la fumée dense du pétard. J’aimerais lui parler, je voudrais la ramener à l’hôtel et je pourrais faire les quatre mètres qui la séparent de moi au lieu de la fixer bêtement du regard. Mais une fois de plus l’abus de pètes m’en empêche. Elle, apparemment, ne se pose pas autant de questions et prend des photos du brownie divisé en trois qu’elle s’apprête à partager avec ses amies. Ça fait maintenant bien trente minutes que nous sommes assis à la table de ce coffee shop très connu de Amsterdam, "Le Bulldog", et bien dix minutes que nous avons avalé notre brownie bourré de marijuana. Comme ça prend quand même tu temps de digérer, nous nous roulons quelques pétards tout en jouant une partie d’échec qui durera très longtemps. Une seule chose nous énerve - car il est vrai qu’un grand avantage de la fumette est d’enlèver beaucoup de stress potentiel - c’est que nous n’arrivons pas à savoir si nous n’arrivons plus à bouger à cause des pétards ou à cause de notre friandise de fin de journée.

Le silence redouté par tous est une conséquence naturelle d‘une séance de fumette. Quand on n'y est pas habitué, le silence peut choquer. Ce qui est bien dans un coffee shop à Amsterdam, c’est que n’importe qui peut flâner pendant des heures et que personne ne trouvera cela bizarre. Laurent et moi partons dans des pensées profondes et métaphysiques sur notre existence tout en admirant la décoration de ce coffee shop et en essayant de garder la bouche fermée.

Malgré le fait que je veuille arrêter, je me promets de ne jamais juger quelqu’un qui fume. Nous avons tous un vice et je souhaite à tout le monde que la fumette soit leur plus gros vice. C’est vrai, contrairement à un alcoolique qui devient facilement abusif, agressif et violent, un fumeur c’est une personne complètement inoffensive qui, au pire, ne fait rien ou devient maladroite. J’en ai marre des gens complètement intolérants qui se permettent de juger ma façon de vivre. Je repense à tous ces gens qui sont tout à fait contre la fumette. La première personne qui me vient à l’esprit ne peut jamais sortir un soir sans finir une bouteille de tequila auparavant et ne se rappelle jamais de rien, à part ses nombreuses nuits passées à l’hôpital après des comas éthyliques ou ses accidents dus au manque d’équilibre. Mais fumer…ce n’est pas bien ! La deuxième personne à laquelle je pense, est un macho catholique très peu tolérant… Au moins la fumette ça ouvre l’esprit ! Il y a aussi tous ces couples qui se battent sans cesse, ceux qui n’ont jamais essayé et ne devraient donc pas s’exprimer sur le sujet, et les politiciens qui fument de toute façon dès qu’ils sont loin du public.

Je fume c’est vrai. Mais au moins je ne suis jamais resté dans une relation sentimentale qui me pourrissait la vie, je n’ai jamais frappé une femme, je n’ai jamais requis les services d’une pute, et je n’ai jamais escroqué personne - sauf quand je vendais des calendriers scouts pour 30 francs à l’époque - et je ne suis jamais tombé dans une grosse déprime. Je crois au Karma et j’essaye de semer le bien pour récolter le bien. Je vis ma vie avec comme seul but : être heureux malgré la jalousie que cela peut engendrer et mon chemin passe par l’herbe. Je reviens à la réalité et, après une petite cigarette et un regard approbateur de la part de Laurent, nous nous éclipsons.

Quand nous ressortons de ce coffee shop, le vice nous entoure. Nous sommes au milieu du "Red Light District". Les vitrines, qui s’alignent le long de ces rues, font penser à des vitrines de Noël des Galeries Lafayette pour adultes. Quand on était petits, on demandait à nos parents de nous acheter ce qu’il y avait dans les vitrines. On ne pouvait rien s’offrir et la multitude de jouets qui s’animaient derrière chaque vitrine nous faisait rêver. Ils restaient inaccessibles pour la plupart d’entre nous car, rares étaient les parents qui pouvaient s’offrir le luxe de reconstituer une de ces vitrines pour leurs petits cons….errr…..leurs gamins. Dans le "Red Light District" on peut également acheter des marrons cuits, mais les parents n’emmènent pas leurs enfants devant ces fenêtres illuminées par un éclairage rouge qui attire l’attention. On fait semblant de ne pas regarder ces femmes et ces transsexuels qui attendent leur prochain client mais l’ambiance malsaine, la déco très glauque des bordels, et la laideur des prostituées enlèvent tout soupçon d’envie de se vider les bourses. Ce qui est bien car je n’ai jamais eu envie de ramener une maladie sexuellement transmissible comme souvenir.


Après tant de fumette et autant de kilomètres parcourus en vélo, nous n’avons qu’une seule chose en tête : manger. Les restaurants à Amsterdam ne nous permettent pas seulement de nous ravitailler mais nous permettent aussi de faire une pause. En effet nous n’avons pas le droit de fumer de pétards dans les restaurants de la ville. Je crois que mon amour pour la bouffe en général a été décuplé par la fumette.

Je me souviens d’un week-end entre amis à la campagne où nous avons été accueillis par les grands-parents d’un de mes amis avec un coffre rempli de nourriture. Je ne sais pas s’ils avaient lu dans nos pensées mais notre programme pour le week-end consistait à fumer et à dormir. En apercevant les caisses de brochettes, de croissants, d’éclairs au chocolat, et assez d’autres choses pour nourrir dix personnes pendant une semaine, nous nous apercevons qu’il va nous falloir plus que ce que nous avions prévu afin de faire honneur à ce festin. Malheureusement, un coup dur nous attend. Après une seule journée sur place et proche d’une commune où seul le son des cloches de vaches retentit au loin, nous sortons notre dernière feuille à rouler de son paquet. La dernière feuille est un événement aussi tragique pour un fumeur que la dernière boulette de shit. On peut avoir du tabac et de la marijuana mais sans feuille, il est difficile de rouler. Cet évènement devient beaucoup plus tragique la nuit quand tous les tabacs sont fermés ou dans un endroit isolé tel que le désert, la montagne ou la campagne. Il faut donc former deux équipes : celle qui va préparer le barbecue et celle qui va faire du stop jusqu’à la ville la plus proche pour acheter un paquet de OCB.

Je fais partie de la deuxième équipe. Nous nous installons sur la route nationale qui longe la maison de campagne et nous levons notre pouce. Deux minutes plus tard nous nous faisons prendre en stop par un monsieur très gentil qui nous accompagne à la ville la plus proche. Seulement voilà, la ville la plus proche est située à plus de 10 kilomètres de notre point de départ et après avoir acheté le paquet de feuille notre pouce a perdu toute son efficacité et nous avons du marcher les dix kilomètres afin de rapporter le succès de notre quête. Ce pétard était bel et bien mérité et le barbecue nous a aidés à récupérer toutes les calories que nous avions perdues pendant cette marche.

Le repas que nous avons dévoré ce soir-là à Amsterdam a eu le même effet. Un dîner est toujours une bonne façon de célébrer une journée pleine de découvertes. En sortant du restaurant, nous décidons d’aller au cinéma (eh oui, même les films sont en anglais en Hollande).

Après avoir payé ma place de cinéma, je me dirige vers les bonbons qui sont essentiels à tout visionnage de film en salle. Je m’installe ensuite confortablement dans le siège qui sera le mien pendant les prochaines heures et je m’endors assez vite. Au milieu du film, une personne chargée de la sécurité demande à Laurent de me réveiller. Je ne suis déjà pas de très bonne humeur quand on me réveille mais quand on me réveille dans un cinéma où je viens de payer neuf Euros pour avoir le droit de faire une sieste, je suis scandalisé et je repense au jour d’avant où une employée de l’auberge de jeunesse m’a réveillé pendant que je somnolais sur un gros coussin un peu trop confortable dans le lounge du bar. Il est vrai qu’ils avaient placé une pancarte qui disait « No sleeping » sur le mur du lounge mais je ne pensais pas qu’ils étaient sérieux quand ils demandaient aux jeunes de l’auberge de ne pas s’endormir dans un endroit constitué d’énormes coussins sur lesquels on a le droit de fumer. Je me demande alors si dormir est une activité criminelle en Hollande. Après de nombreuses conversations sur ce sujet nous en avons déduit que les gens à Amsterdam ont peur que les gens qui ont les yeux fermés soient en train de sombrer vers le côté obscur. L’accès à toutes les drogues est tellement facile qu’ils doivent vouloir vérifier que nous sommes juste en train de nous reposer et non pas de faire une overdose de champignons magiques en plein milieu de leur cinéma.

Non seulement je dois me réveiller devant le film mais je dois aussi faire face à une énorme peur quand je m’aperçois que mon sac à dos, contenant mon meilleur ami (mon Ipod) et mes billets de train, n’est plus à mes pieds. Je cours donc au dernier coffee shop où nous nous sommes assis en attendant notre séance et je demande au responsable s’il n’a pas trouvé un sac. Il me regarde avec un sourire, qui prouve que lui aussi fume ce qu’il vend, et me ramène la merde qui me sert de sac à dos. Je vérifie tout de suite si tout est là et je remercie le dieu de la fumette pour m’avoir redonné tous mes biens. Décidément, les foncedés, ce sont quand même des gens biens.

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 2)


C’est marrant comme il est impossible de laisser traîner quoique ce soit de comestible dans une auberge de jeunesse remplie de foncedés. Qu’il s’agisse de pain rassis, de spaghettis ou de fromage râpé, tout disparaît dès que je quitte la cuisine - et comme je n’ai pas le droit de fumer pendant que je cuisine, je dois souvent m’absenter pendant que mon repas de seigneur brûle sur la plaque: spaghettis avec sel et fromage râpé…mmmmm ! Je n’ai jamais compris les gens qui affirment que fumer ne leur donne pas faim. Des pâtes au fromage c’est parfois un peu fade et pas super succulent, mais après avoir fumé tout devient tellement bon.

Après un gros repas arrosé de 3-4 pintes de bière, je me renferme une nouvelle fois dans ma carapace de fumeur qui n’a aucune envie d’essayer de socialiser. Je fume donc dans le bar, entouré de gens qui jouent au poker en fumant, qui draguent en fumant ou qui boivent en fumant. Je me rends compte alors que toutes les histoires que je raconte commencent souvent par : “Y’avait une fois, quand j’étais foncedé…” et quelque part ces histoires deviennent plus gênantes qu’intéressantes quand on grandit.

Je vais me reposer dans ma chambre en attendant mon pote Laurent car je sais que dès qu’il va arriver, je vais devoir aller à la recherche d’un bar afin de fêter comme il se doit sa présence à Amsterdam. Après à peine 15 minutes de somnolence, il est déjà là. Je me réveille - ou je reviens à la réalité, vous appellerez ça comme vous voudrez - et j’essaye de lui faire croire que je suis en pleine forme et prêt à faire la fête.

Le patron de l’auberge nous casse royalement les couilles en nous demandant d’aller tirer de l’argent et de revenir au plus vite pour lui payer une caution qui n’est pas demandée à tout le monde. Nous l’informons poliment qu’il nous est impossible de marcher vers une machine à sous sans avoir fini notre bière et fumé notre pète.

Après le joint qui célébra sa première soirée dans la ville du vice, nous partons à la recherche d’un petit peu plus de beu car, mine de rien, trois grammes ça se fume plus vite que je ne le pensais à Amsterdam. Je décide d’emmener Laurent au coffee shop le plus proche qui se situe sur la place de l’église juste à côté de l’auberge. Comme quoi le seigneur et les fumeurs peuvent très bien cohabiter ensembles ! Au pire c’est un bon moyen d’oublier le supplice de la messe pour ceux qui ont été forcés par leurs proches d’aller à l’église. Malheureusement, beaucoup de coffee shops sont fermés et nous commençons à errer dans les rues, l’âme en peine.

Nous trouvons enfin deux coffee shops ouverts : l’un est très calme et l’autre diffuse de la musique reggae. Nous rentrons dans le club de reggae après avoir payé le droit d’entrée et nous atterrissons dans un endroit remplis de rastafariens complètement ravagés par la beu et qui dansent parfaitement au rythme des percussions. Après nous être réapprovisionnés, nous repartons vers notre hôtel car il se fait déjà très tard.

Ce qui est bien à Amsterdam, c’est que la notion du « pète de trop » - celui qui est roulé avec difficulté à cause de l’intoxication encourue par les dix pètes précédents - est complètement absente et incongrue. Nous roulons donc ce « pète de trop » qui nous permettra de dormir malgré les ronflements de nos voisins de dortoirs.

Le lendemain matin, nous avons prévu d’alterner le sport et la fumette afin d’équilibrer un peu la balance et de ne pas sombrer dans un coma éthylique avant la fin de la journée. Nous louons donc deux vélos et partons à la recherche de moulins à vents dans la campagne hollandaise. Cependant, nous nous arrêtons tout d’abord dans un coffee shop afin de fumer un bon pète avant d’attaquer une journée qui, en théorie, allait pourtant être si saine.
Je ne suis pas encore sûr que nous ayons fait le bon choix au niveau de notre itinéraire car tout ce que nous avons trouvé c’était les HLM et les restaurants grecs de la banlieue d’Amsterdam. La journée sportive ayant atteint sa fin très prématurément, nous décidons d’aller visiter l’ancienne brasserie de Heineken. Elle a été transformée en un parc d’attractions pour alcooliques où la publicité pour Heineken est le motif principal de chaque attraction. Mais ce qui est bien, c’est qu’ils offrent (ou plutôt que le prix comprend) trois verres de bières. Mais ce qui est moins cool, c’est qu’il est interdit de fumer quoique ce soit dans aucun des bars du "Heineken Expérience".

Tenir droit sur son vélo devient déjà plus difficile à la sortie de ce “musée”. Alors quand une occasion de prendre une pause se présente, je la prends. Je m’arrête à un magasin d’attrape-cons… un magasin de souvenirs quoi !
Un ami m’a demandé de lui ramener le souvenir le plus kitch possible et je crois avoir trouvé la perle d’Amsterdam : un poivrier en forme de bite avec la mention « Love from Amsterdam ». C’est beau et multifonction. Alors vivement Noël.

Amsterdam: La dernière Foncedée (épisode 1)




Ca y est c’est fini, enfin presque. Le signe jaune de l’auberge de jeunesse semble si proche et pourtant, chaque pas qui me rapproche de mon refuge de quelques jours, fait vibrer ma vessie qui n’aime ni le froid, ni les substances qui aident le corps à se relaxer. Je vois déjà le scénario où, n’ayant pu arriver à l’hôtel à temps, je devrais attendre dans le froid pour faire sécher mes pantalons. La nuit de décembre à Amsterdam est fraîche et je reviens de mon premier coffee shop. Le chemin est long car je me perds souvent tant il est dur de se retrouver dans les rues d’Amsterdam quand on regarde par terre pour éviter le regard des passants. En plus je ne connais pas du tout cette ville vu que c’est la première fois que j’y mets les pieds et que sa configuration est quelque peu mystérieuse (surtout après une pause pour demander mon chemin et fumer un autre joint). J’ai envie d’exploser de rire à chaque instant mais je me retiens pour ne pas avoir l’air d’un touriste qui a abusé des bonnes choses. Ma vessie fait donc la boude et décide de se venger en jouant avec mes nerfs et ma confiance en moi. J’essaye de me convaincre, avec beaucoup de mal, qu’il est possible de se retenir un peu plus longtemps et que le signe des toilettes deviendra aussi signe de liberté. Ma liberté de vivre et de penser sans sautiller sur place (bien qu’il me paraisse maintenant improbable que sautiller aide à ne pas se pisser dessus vue la difficulté avec laquelle j’ai parcouru les derniers cents mètres vers l’hôtel). J’essaye de rester attentif à mon entourage, dans cette rue sombre et déserte, car je sais trop bien que la peur de l’inconnu, combinée avec la paranoïa de la fumette, risquent de compromettre la réussite d’une arrivée sèche et sans dégâts a l’auberge.

La clef magnétique permettant de rentrer dans l’hôtel, et qui ne marche habituellement jamais, devient miraculeusement efficace dans ce moment de panique et c’est avec grande joie que je me félicite moi-même du courage qu’il a fallu pour ne pas avoir tout simplement pissé dans les buissons du parc qui longeaient la rue. Je réalise alors que c’est le début de beaucoup de changements dans ma vie, la première étape étant de ressembler le moins possible à un clandestin et d’arrêter de constamment pisser dans la rue bien qu’on ne puisse pas toujours choisir quand il faut y aller. Je sors des toilettes et je me dirige vers le bar avec ma main droite dans la poche afin de rassembler l’équipement nécessaire à la confection du joint qui récompensera cet effort et célébrera la victoire du mental sur les muscles de ma vessie. Je fête donc royalement ma dernière prouesse avec des mélanges variés de toutes mes récentes acquisitions pendant mes excursions autour d’Amsterdam.

Je regarde le joint qui restera dans mon paquet jusqu'à mon départ et que je fumerai avant de repartir vers Paris. Je n’ai jamais eu de relation si longue qu’avec l’herbe magique qui m’a procuré tant de plaisir. Ca fait sept ans que nous sommes inséparables et je m’apprête à lui dire au revoir, avant de la fumer une dernière fois à la gare d’Amsterdam. Je vais sûrement avoir besoin d’un endroit calme et serein afin de me recueillir et verser quelques larmes avant de brandir la flamme mon briquet jetable à l’extrémité de ce joint, malheureusement pas très bien roulé pour un joint historique.

Apparemment, la dernière photo de mes poumons indique qu’il faudrait que j’arrête de fumer…et puis de toute façon, ce n’était plus pareil. Ca faisait un petit moment que j’éprouvais une sorte de nostalgie pour cette époque magnifique où les joints nous faisaient rigoler et parler de tout et de rien au lieu de nous pousser à nous endormir au milieu d’un film qui pourtant avait l’air très bien. C’est simplement devenu une routine, et quand on se fait chier, la récurrence de cette routine a une fâcheuse tendance à s’accroître. Mon sachet, qui contenait une bonne source de créativité, m’a donc accompagné dans mes moments de joie, de peine, de stress, de festivité, d’angoisse, d’incertitude, de célébration, de préliminaires et dans tous mes déplacements quotidiens. Ces joints m’ont procuré beaucoup de plaisirs mais, après sept ans, je commence à m’apercevoir que je deviens très renfermé, dépourvu de motivation et de volonté de faire quoique ce soit, et honnêtement, je n'ai vraiment pas l’air d’une lumière quand je fume.


Donc c’est décidé, j’arrête. Personne ne me croit. C’est vrai qu’en théorie, l’idée de partir à Amsterdam juste avant d’arrêter complètement de fumer clopes et joints, ça peut paraître ridicule. Mais je pense qu’il n’y a pas de meilleure façon de célébrer une telle décision que d’aller en pèlerinage à la Mecque des fumeurs du monde entier, Amsterdam.


Le bar de l’auberge est truffé de zombies de tous âges qui enchaînent les pétards comme des cigarettes et mangent des champignons hallucinogènes comme des chips. Il y a une fille qui me regarde bizarrement. Elle s’appelle Nadia ou Katrina. Je ne sais plus parce que je n’écoutais pas vraiment quand elle me l’a dit. J’espérais pouvoir l’appeler “pupuce” avant la fin de la soirée mais je crois que c’est raté. A côté d’elle, il y a un bon bouffon qui vient des Etats-Unis et qui habite à Amsterdam depuis une semaine. Comme il aime bien fumer, il raconte à tout le monde qu’il est d’Amsterdam. Enfin il est vrai que ça craint moins que de dire qu’il vient des States. En plus, comme tout le monde parle Anglais à Amsterdam, ça aurait presque pu marcher. Nadia (ou Katrina) et lui se parlent. Enfin, il lui parle et elle se fait royalement chier. Moi, pendant ce temps là, je suis déphasé. J’aimerais pouvoir dire un truc mais mon cerveau n’est pas en fonction de me donner quoique ce soit d’intelligent à dire. Donc je préfère sourire bêtement.

Elle ne me connaît pas assez, ce qui explique qu’elle ignore encore, qu’une fois que j’ai bien fumé, j’ai beaucoup de mal à bouger mes lèvres et qu’il est parfois très difficile de me comprendre, quelle que soit la langue que je tente de parler.

Après de longs moments de silence, qui s’avéraient être très pesants, elle décide de s’éclipser. Je me retrouve alors seul avec l’Américain révolté et je décide à mon tour de l’abandonner afin de me reposer un peu de cette journée malgré tout épuisante.


Quand on voyage seul, ça laisse le temps de réfléchir et se réévaluer. Quand on voyage seul, à Amsterdam, ça laisse le temps de regarder le plafond de sa chambre d’hôtel. J’en ai quand même passé des bons moments avec la beu. Manger un gros repas sans s’ouvrir l’appétit avec une séance de fumette ? Regarder un film sans fumer avant ? Finir une soirée bien arrosée sans le joint de trop - celui qui est soit roulé avec difficulté, soit complètement abandonné à lui-même si le rouleur s’endort pendant l’effort physique ? J’ai encore du mal à croire que ce soit aussi bien mais au moins je ne mangerai plus la part des autres, je ne m’endormirai plus pendant les films, et j’arriverai peut-être enfin à baiser correctement à la fin de la soirée bien arrosée.

Je repense à la première fois où j’ai goûté à la substance, la première fois que j’ai essayé de rouler et la première fois que j’en ai acheté. Après je me souviens moins bien des choses (ben oui ça affecte quand même la mémoire tout ça). Je me souviens avoir été contre tout ce qui se fume mais, comme dit le proverbe, « y’a que les cons qui ne changent pas d’avis ». J’arrive presque à me rappeler des quelques période au cours des dernières années où je n’ai pas fumé, rarement par choix. J’ai l’impression que je dis au revoir à une partie de moi car il est dur pour mon entourage de ne pas associer mon nom avec le manque de vivacité propre aux fumeurs de longue durée. Mais je pense, où plutôt j’espère, que cette décision va m’aider à regagner cette énergie que j’ai laissée dans un coin de mon âme afin de mieux ressurgir au moment voulu.

La décision de fumer énormément, pour en être dégoûté, a l’air de porter ses fruits. Trop de fumette tue la fumette. J’ai du mal mais je continue à attraper les joints qui me sont gentiment offerts par d’autres fumeurs de l’hôtel. Au moins, on a l’air con en meutes à Amsterdam et je comprends de moins en moins comment il est humainement possible de fumer autant en une journée.

Je m’endors dans mon dortoir avec une seule idée en tête: des croissants et du café à gogo m’attendent au réveil. Aaaaahhhh, il est bien cet hôtel quand même.

Je me réveille avec le ferme intention de me cultiver un peu en allant au musée Van Gogh avant de reprendre le bousillage du crâne. Je n’ai pas trop faim au réveil mais je veux profiter pleinement du buffet qui est offert jusqu’à 10H30. Je sors donc fumer un pète, que j’ai roulé dans mon lit, et je rencontre un californien qui s’apprête à repartir chez lui. Comme il va prendre l’avion, et que je suis en train de partager mon pète matinal avec lui, il me remercie en me donnant : une pipe, un sachet de beu et un sachet de hashish…. Ce qui va m’aider à apprécier pleinement la qualité des peintures de Van Gogh. C’est tellement agréable de fumer dehors dans la rue sans avoir peur d’un flic sarkhosyen.

Nous redescendons dans le bar qui fait office de restaurant le matin et, après avoir bien mangé, je roule mon premier pète de Hashish qui est de très bonne qualité et qui colle beaucoup. Je m’apprête à l’allumer quand on me montre un signe sur la table qui dit « No smoking during breakfast » Je suis perplexe mais comme je ne sais pas encore que personne ne respecte cette règle, nous allons dehors pour fumer le deuxième pète matinal avant de se dire au revoir. Je rassemble toutes mes affaires et je me dirige vers le musée mais mon chemin dévie très vite quand j’aperçois les grilles du magnifique Vondelpark. Je suis très inspiré ce matin et je prends tellement de photos que je passe plus de deux heures à errer dans ce parc à la recherche de paysages divers et de toilettes. Ma décision de ne plus pisser derrière les arbustes est ferme! J’apprécie plein de petits détails tels que les vélos qui défilent le long du chemin, la multitude de chiens non tenus en laisse et qui ont tous l’air plus gentils les uns que les autres, les familles qui se promènent, les canards qui glissent sur l’eau. Tellement d’opportunités de faire de belles photos. Quand on fume et qu’on crée en même temps, le plaisir procuré est au moins triplé. Chaque photo prise ce matin est magnifique à mon goût, bien qu’en les regardant un peu plus sobre plus tard dans la journée l’effet rendu ne soit pas le même.

Je me dirige ensuite vers le musée Van Gogh où je ne m’attarde pas trop car, malgré la beauté des œuvres, il y a vraiment trop de visiteurs à mon goût. C’est toujours marrant d’observer les gens lorsqu’on est sous l’influence de l’herbe : les sons et les visages sont complètement déformés et les discussions, qui se mélangent, forment une cacophonie parfois difficilement supportable. Après m’être baladé longtemps dans la ville à la recherche de coffee shop que je ne suis jamais arrivé à trouver, je repars à l’hôtel afin de boire quelques bières en attendant qu’un de mes potes, Laurent, me rejoigne. Il arrive tard ce soir et je me demande si je ne devrais pas faire une sieste avant son arrivée.

Pourquoi s’arrêter et ne pas simplement diminuer la fréquence des roulages de pètes? Parce que s’il y en a chez moi, ou dans ma poche, je ne vais pas la laisser pourrire et je vais rouler jusqu'à ce qu’il n’y en ait plus. Il faut donc complètement casser cette routine.